Vers la fin du gaspillage dans les grandes surfaces
NDA : "si seulement ça pouvait se généraliser !"
Une soixantaine de députés viennent de déposer une proposition de loi pour obliger les grandes surfaces à faire don de leurs invendus alimentaires aux associations caritatives…
L’initiative existe déjà en Belgique et en Italie et pourrait bientôt s’importer en France. Ce mercredi, une soixantaine de députés de tous bords ont déposé une proposition de loi initiée par Jean-Pierre Decool, député dans le Nord, pour contraindre les grandes surfaces de plus de 1.000 m² à faire don de leurs invendus alimentaires encore consommables aux associations caritatives.
Enrayer un gaspillage à grande échelle
Pour Jean-Pierre Decool, le «phénomène de gaspillage sociétal à grande échelle» doit être enrayé. «Même si aujourd’hui les grandes surfaces font déjà des dons importants, ce n’est pas suffisant, et encore trop d’aliments finissent à la poubelle alors qu’ils sont encore sains et frais», déplore le parlementaire, qui «souhaite mettre en place des mesures coercitives pour pousser les grandes enseignes à donner davantage».
Un avis partagé par Maurice Lony, directeur fédéral des banques alimentaires françaises, où «plus de la moitié des denrées distribuées sont des aliments sauvés qui étaient destinés à être détruits». «Nous sommes satisfaits de cette proposition de loi, qui institutionnalise une pyramide de valorisation alimentaire où le don est au sommet», assure-t-il. Chaque année, les banques alimentaires récupèrent 32.000 tonnes de denrées auprès des grandes surfaces.
Des difficultés d’application à prévoir
La proposition de loi fait consensus, mais des difficultés d’application sont néanmoins à prévoir. «On attend la phase de concertation avec les associations», déclare Maurice Lony. Si le texte prévoit que des agents habilités vérifient que les grandes enseignes respectent cette obligation nouvelle, pas sûr qu’en pratique les effectifs soient suffisants pour assurer un contrôle efficace. Sans parler des questions de logistique. «Nous avons les moyens humains et logistiques de récupérer de grandes quantités de nourriture mais ce n’est pas le cas de toutes les associations», explique Maurice Lony.
Produits frais, surgelés, viande, autant de denrées alimentaires qui nécessitent un respect scrupuleux de la chaîne du froid. «Il faut des camions réfrigérés et des chambres froides, et il faut s’assurer que les produits à dates de consommation courtes soient distribués en quelques heures. Qui va payer pour ça? Tout est dans la mise en œuvre du texte, le diable est dans les détails», estime le directeur fédéral des banques alimentaires. Le réseau national récupère chaque jour des denrées qu’il redistribue auprès de 5.900 associations partenaires qui, seules, n’auraient pas la capacité de gérer de telles quantités.
Comment ça se passe chez les voisins
Le texte français s’inspire du modèle belge, qui contraint les grandes surfaces à donner plus pour jeter moins. En Italie, le législateur a instauré «la loi du bon Samaritain», qui protège les entreprises de la filière alimentaire en limitant leur responsabilité civile et pénale pour les produits qu’elles donnent aux organisations caritatives. Une mesure qui booste les dons mais que Maurice Lony ne souhaite pas voir appliquée dans l’Hexagone. «Cette responsabilité est une garantie de qualité et de sécurité des aliments pour les bénéficiaires de cette aide», estime-t-il.
Mais l’objectif des associations reste «d’augmenter la redistribution des aliments sauvés», assure Maurice Lony. «D’abord parce que le gaspillage n’est pas tolérable quand tant de personnes ne peuvent se nourrir», déclare-t-il. «Surtout dans un contexte de crise morale, économique et financière», renchérit Jean-Pierre Decool. Aussi parce que cela assurerait une plus grande autonomie aux associations caritatives, dont les aides européennes risquent d’être revues à la baisse.