Aussi ancienne que l’invention de la photographie, la photo de classe est devenue depuis le milieu du XIXe siècle un rituel qui, à l’heure du numérique, reste incontournable de la maternelle à la fin du lycée. Témoin de son temps, la photo de classe est le reflet, parfois malgré elle, d’une histoire politique, culturelle et sociale de l’école.
C’est « un souvenir que vous chérirez », dit la maîtresse à ses élèves dans le premier chapitre du Petit Nicolas, présentant la photo de classe comme la future image d’un monde perdu, celui de l’enfance. Signe parmi d’autres, dans la littérature et le cinéma, que ces clichés font bel et bien partie de notre histoire et de notre imaginaire.
Les premières photos de classe sont réalisées au milieu du XIXe siècle, dans les établissements secondaires les plus réputés, qui les exposent. Avec la démocratisation de la technique photographique, dès le dernier quart du XIXe siècle, ces images « souvenirs » sont proposées aux familles. Les sommes récoltées par les coopératives scolaires servent à acheter des fournitures ou participer à des sorties scolaires.
Entre public et privé
Directrice du Musée national de l’éducation (MUNAÉ), Delphine Campagnolle souligne que « c’est un objet très symbolique, à mi-chemin entre l’école et la sphère privée, car ces images sont très souvent conservées, voire transmises au sein d’une famille ». Une démarche nostalgique qui se retrouve sur ces sites où l’on espère retrouver un·e camarade perdu·e de vue à partir de ses photos de classe. C’est le cas de Copains d’avant, qui revendique plus de 15 millions de membres.
À partir de la fin du XIXe siècle des photographes se spécialisent dans les photos de portraits ou d’établissements scolaires comme Pierre Petit (1831-1909). Des sociétés de photographies scolaires se créent comme, à partir de 1867, la société David et Vallois et la maison Tourte et Petitindepuis 1882.
La démocratisation et la multiplication des photos de classe obligent l’institution scolaire à encadrer les modalités de la prise de vue dès 1927. La dernière circulaire française sur la photographie scolaire date de 2003. Elle s’attache à éviter les dérives avec la rédaction d’un « code de bonne conduite » de la pratique de la photo de classe qui respecte les droits de tous les protagonistes de la photo, qu’il s’agisse du photographe, de l’institution scolaire, des enfants mineurs avec la nécessaire autorisation parentale.
Le maître au centre
En 2017, la belle exposition du musée national de l’éducation a bien montré que la photo de classe n’était pas seulement un témoin culturel mais un outil pour la compréhension de l’histoire de l’institution scolaire. Elle permet par exemple de contredire la légende de l’usage de l’uniforme qui n’a jamais existé dans les écoles publiques du XIXe siècle ; il s’agit d’un phénomène spécifique des établissements religieux.
Avec l’instauration de l’école gratuite, obligatoire et laïque de Jules Ferry à partir des années 1881-1882, la photo de classe devient le nécessaire reflet d’un « ordre scolaire » et d’une forme scolaire, avec les valeurs de rigueur, de sérieux et d’obéissance des élèves. La photo de la classe de l’école de Buigny les Gamaches en 1906 est éclairante d’une mise en scène voulue par l’institution scolaire.