Au cours de ses 10 000 ans d’existence, la forêt de Bialowieza, massif abritant les derniers vestiges de forêt primaire en Europe, a tout connu. Épargnée par les tsars et les rois qui en avaient fait un territoire de chasse, elle a survécu aux vagues d’abattage massif réalisées au XXe siècle par des occupants russes ou allemands, des industriels britanniques et les autorités communistes. Elle a résisté aux tempêtes, aux incendies. Elle a su se sortir de ces centaines d’invasions de scolyte, un petit coléoptère ravageur. Mais cette fois, les écologistes, Bruxelles et l’Unesco (une grande partie du massif est classée au patrimoine mondial) s’inquiètent vraiment. 

Le massif de Bialowieza, c’est un trésor écologique : on y croise 200 espèces d’oiseaux, 62 mammifères et la dernière population de bisons d’Europe. Ils y vivent plutôt tranquillement : Bialowieza couvre 1 500 kilomètres carrés, dont 625 en Pologne. Sur cette dernière partie, 105 kilomètres carrés sont classés en parc national.

(Photo : Kacper Pempel/Reuters)

La vénérable forêt est victime d’une attaque particulièrement sévère de scolyte. « Leur population est gigantesque. Ils ne se contentent plus dachever les épicéas affaiblis. Ils attaquent aussi des arbres en bonne santé », observe Andrzej Antczak, inspecteur local des forêts. Environ 30 % des arbres de Bialowieza sont des épicéas. Parmi eux, selon les gardes forestiers polonais, un sur cinq est agressé par les scolytes. Et chaque épicéa infecté est un danger pour trente autres qui l’entourent, particulièrement dans des périodes de réchauffement où l’insecte peut produire jusqu’à cinq générations en l’espace d’une année.

Pour contenir la menace, le gouvernement a ordonné un programme massif d’abattage. Le précédent ministre de l’Environnement avait donné en 2012 son accord pour couper environ 60 000 mètres cubes de bois en dix ans. Son successeur a triplé ce chiffre, arguant de l’urgence à protéger la forêt et la sécurité des promeneurs, menacés par la chute d’arbres morts.

La forêt abrite 200 espèces d’oiseaux. (Photo : Kacper Pempel/Reuters)

Pipeau, crient les écologistes. Selon eux, c’est la vente du bois, et des projets de développement touristiques, qui motivent ces coupes.« En apparence, les arbres autour de moi sont morts mais en réalité ils vivent plus que lorsqu’ils étaient vivants parce que désormais ils abritent une centaine d’espèces d’insectes. Un arbre mort c’est une grande richesse biologique, souligne le professeur Rafal Kowalczyk, directeur d’une antenne de l’Académie polonaise des sciences à Bialowieza. Couper des arbres dans cette forêt cest comparable à ce que font les talibans lorsquils détruisent des œuvres dart ! », s’insurge-t-il. 

Autre argument : la forêt n’en est pas à sa première attaque. Une coalition d’organisations écologistes, dont Greenpeace et WWF, a donc porté plainte à Bruxelles. En attendant, les tronçonneuses tournent à plein régime. Et les coléoptères se gavent.

(Photo : Kacper Pempel/Reuters)
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(Photo : Kacper Pempel/Reuters)
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(Photo : Kacper Pempel/Reuters)
(Photo : Kacper Pempel/Reuters)
Une marque rouge, l’arbre va être abattu. (Photo : Kacper Pempel/Reuters)
C’est là que vivent les derniers bisons d’Europe. (Photo : Kacper Pempel/Reuters)
(Photo : Kacper Pempel/Reuters)