La carriole avance au pas tranquille de Cosaque, le solide cheval comtois à la robe havane qui la tracte. Abrités sous la capote, Nathan, Elias, Maé, Yanis, Mathis... Une dizaine d’écoliers rentrent chez eux pour le déjeuner dans un joyeux brouhaha. David Sandmann, employé municipal, fait office de cocher.
Ce spectacle quotidien n’intrigue plus les habitants d’Ungersheim. Dans ce bourg du Haut-Rhin de 2 200 habitants, situé à une vingtaine de kilomètres de Mulhouse, c’est en calèche que les enfants se rendent à l’école depuis 2008.
"Je trouve cela bien. Pas de pollution. Les voitures sont obligées de ralentir et les enfants sont contents", commente Jérôme Antoine, retraité des mines de potasse qui constituèrent, jusque dans les années 1990, un pilier de l’activité économique de la région. À 76 ans, personnalité incontournable du conseil des sages du village, il habite toujours l’une des maisons de la cité minière construite après-guerre.
Cosaque et son congénère, Richelieu, sont des chevaux cantonniers que la commune emploie pour le transport scolaire, mais aussi pour diverses tâches comme l’arrosage des plantations ou les travaux des champs de la régie agricole municipale.
Créée en 2015, celle-ci expérimente le maraîchage sans traitements chimiques.
• Apporter une pierre à l’édifice
(Jean-Christophe Martineau, notre journaliste avec le maire de la commun d'Ungersheim, Jean-Claude Mensch)Car Ungersheim est un village "en transition", l’un des premiers en France à avoir adopté en 2009 cette démarche qui mixe écologie, développement durable et démocratie participative.
À l’origine de ce projet, Jean-Claude Mensch, le maire, un ancien de la mine lui aussi.Âgé de 70 ans, élu depuis 1989, il a choisi d’orienter le développe- ment du village vers un modèle de société plus respectueux de l’environnement, moins énergivore, plus solidaire. Utopie? "Nous apportons notre pierre à l’édifice", répond-il, franc sourire et regard bleu pâle. "Et puis, surtout, nous montrons qu’il n’y a pas de fatalité et qu’il est possible d’agir!"
À Ungersheim, l’engagement de la commune dans la transition s’est traduit par la mise en place d’un conseil participatif où siègent une cinquantaine d’habitants qui planchent sur différents thèmes: agriculture, eau, cohésion sociale, mobilité accessibilité, sport, culture, énergie renouvelable... Des propositions sont ensuite transmises au conseil municipal.
Au fil des ans, Ungersheim a multiplié les chantiers: le retrait des traitements phytosanitaires et engrais chimiques dans les espaces verts, le remplacement des produits d’entretien issus de la pétrochimie par des substituts bio, l’éclairage public par des lampes Led, économes en énergie. D’autres nécessitent davantage d’investissements financiers et humains. Comme la centrale solaire, la plus importante d’Alsace, implantée sur un ancien terrain des mines de potasse. "Je suis réaliste, je sais qu’il est difficile de se passer du nucléaire pour l’instant, mais cette centrale, c’est l’avenir. Le soleil est gratuit", s’enthousiasme Jérôme Antoine au sommet du terril qui surplombe le site. À gauche, le regard embrasse le Grand Ballon des Vosges; à droite, la plaine et les monumentales installations du carreau Rodolphe, l’un des puits (des mines) désaffectés. Au pied du terril, neuf bâtiments abritent des PME et une cinquantaine d’emplois.
Les 40 000m2 de toiture sont recouverts de panneaux photovoltaïques et l’électricité produite est revendue à EDF. "Cela représente la consommation hors chauffage de 10 000 personnes", détaille Xavier Baumgartner, gérant de la société exploitant le site. La commune, pour sa part, perçoit un loyer.