Emmanuel Macron veut que l’Etat soit partie prenante à la gestion de l’Unedic. Les syndicats refusent de basculer vers un régime universel de solidarité.

Les  ordonnances réformant le Code du travail à peine dévoilées, les syndicats fourbissent déjà leurs armes pour la prochaine grande concertation sociale avec le gouvernement, celle qui va porter sur l'assurance-chômage.

« Cela risque d'être encore plus dur », a lâché jeudi Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, à l'issue de la réunion à Matignon. Emmanuel Macron veut en effet s'attaquer à l'un des prés-carrés historiques des partenaires sociaux. 

Rappelées dans  son interview au « Point » , les grandes lignes n'ont pas varié par rapport au discours de campagne. L'Unedic ? « Ce n'est plus un système assurantiel, ce qui justifiait qu'elle soit gérée uniquement par les partenaires sociaux », a déclaré le chef de l'Etat. Etant donné sa dette - plus de 30 milliards d'euros - et son déficit annuel - de l'ordre de 4 milliards - l'Etat, par sa garantie financière, a de facto « plus que son mot à dire ». 

Pour financer l'extension du régime aux indépendants et aux démissionnaires, et compenser  la suppression des cotisations chômage salariés, le projet prévoit une hausse de la CSG .

Un système de bonus-malus censé freiner le recours aux contrats courts est également à l'étude ainsi qu'un renforcement du contrôle des chômeurs. « Sortons de cette hypocrisie française vieille de plusieurs décennies ! Par cette réforme du financement de l'Unedic, l'Etat sera pleinement légitime a être présent autour de la table et prendra les décisions avec ses partenaires », a-t-il poursuivi. 

Un des pans du paritarisme remis en cause

Après avoir concédé une remise en cause de leur monopole de négociation, les syndicats s'apprêtent donc à parer une attaque sur le front de la gouvernance de l'assurance-chômage.

Emmanuel Macron a certes adouci son propos (il parlait de nationalisation au début de la campagne), mais c'est bien une remise en cause d'un des pans du paritarisme qui se profile : patronat et syndicats arrêtent les règles de financement et d'indemnisation depuis... 1958 ! 

Sentant le vent du boulet venir, les trois organisations patronales et les cinq syndicats ont - fait assez rare pour être souligné- publié un communiqué commun fin juillet.
Les syndicats sont d'autant plus déterminés à se défendre que c'est au travers de cette réforme, et celle de la formation professionnelle, qu'ils espèrent contrebalancer l'orientation très libérale donnée au Code du travail par les ordonnances. 
Pour les indépendants et les démissionnaires

S'ils ne ferment pas la porte à l'Etat, les intéressés rappellent qu'ils connaissent très bien le marché du travail. Qu'ils savent prendre des décisions difficiles, à l'image des économies incluses dans la dernière convention. Et que sans la crise financière et toutes les dépenses dont l'Etat s'est déchargé, la dette ne serait pas ce qu'elle est. 

L'ambition d'étendre la couverture aux indépendants ou aux démissionnaires ne rencontre pas non plus d'opposition de principe. «Pourquoi pas, mais encore faut-il savoir qui paye », demande Michel Beaugas (FO), soulevant la principale crainte des partenaires sociaux : avec  la bascule des cotisations vers la CSG , donc l'impôt, les ressources de l'Unédic - et donc les indemnités versées - seront tributaires des politiques de dépenses publiques.

Le régime actuel, assurantiel, pourrait basculer vers un régime universel de solidarité versant une indemnité forfaitaire, à même de favoriser les caisses complémentaires privées. « Un revenu de remplacement doit être financé par une cotisation », martèle Véronique Descqaq (CFDT). 

Défendre la couverture chômage par les cotisations, c'est aussi le crédo de la CFE-CGC. « Nous irons à la concertation avec un esprit pragmatique. Non pas confiants, mais sereins », assure Jean-François Foucart, secrétaire national en charge de l'emploi et de la formation professionnelle.

En rappelant toutefois que, contrairement au Code du travail, les changements de règles en matière d'indemnisation chômage ont un effet immédiat.

Ce qui peut faire beaucoup de mécontents...

 

@AlainRuello