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6 juillet 2017

Pourquoi les vagues de chaleur intenses sont appelées à se répéter

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Après quelques jours de fraîcheur, les températures hexagonales sont reparties à la hausse. Un nouveau pic de chaleur qui confirme juin 2017 comme un mois historiquement chaud, à l’image de la récente canicule qui a touché le pays du 18 au 22. Depuis 1947, seule la vague de chaleur de juin 2005 avait été aussi précoce ; et jamais une journée de juin, celle du 21, n’avait été aussi chaude depuis le début des relevés de Météo France.

La température moyenne – établie à partir des températures minimales et maximales relevées dans 30 stations météorologiques représentant tous les climats de l’Hexagone – a en effet culminé à 26,4 °C le 21 juin (19 °C et 33,9 °C respectivement pour les minimales et maximales sur le pays).

Cette vague de chaleur a été ponctuée de nombreux records de température maximale pour le mois de juin : 34,6 °C au Touquet et 38,2 °C à Saint-Maur-des-Fossés le 21, 36,5 °C à Nancy le 22, 40 °C à Monclus (Gard) et 37,3 °C à Cannes le 25. Les minimales ont également battu des records, particulièrement dans les grandes agglomérations en raison du phénomène d’îlot de chaleur urbain, qui limite le refroidissement nocturne et aggrave l’inconfort thermique au cœur des villes. Ainsi, le mercredi 21 juin, le thermomètre n’est pas descendu en dessous de 24,2 °C à Villacoublay dans la proche banlieue parisienne. 

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Un début d’année très chaud

Au final, à près de 3 °C au-dessus de la moyenne des mois de juin de 1981-2010, juin 2017 aura été le 2e mois de juin le plus chaud depuis 1900, nettement au-dessus de précédents mois de juin remarquables (1976 : 2,2 °C, 2005 : 2,1 °C), mais assez loin de juin 2003 (4,1 °C).

Ces conditions interviennent dans le sillage d’un début d’année très chaud pour la planète : selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), à l’exception de l’année 2016marquée par un puissant phénomène El Nino, jamais les 5 premiers mois d’une année n’avaient été aussi chauds.

Les événements caniculaires ont des impacts dans de nombreux domaines et leur coût économique est extrêmement élevé. Cela amène à faire le point sur leurs changements récents de fréquence et d’intensité, leurs liens avec le contexte du réchauffement planétaire en cours et leur possible évolution future. 


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Les caprices de la circulation atmosphérique

La configuration particulière de la circulation atmosphérique a joué un rôle clé dans l’événement de la semaine dernière.

Un dôme d’air chaud associé à un anticyclone s’est mis en place sur l’Europe de l’Ouest, et plus largement de l’Afrique du Nord à la France, ce qui a favorisé des conditions caniculaires.

À l’inverse, deux mois plus tôt, des gelées tardives avaient fortement affecté de nombreuses cultures fruitières à travers le pays. Par exemple, une température de -8,8 °C a été observée le 20 avril à Mourmelon (Marne), ce qui représente un nouveau record de froid mensuel pour cette station ouverte en 2004. Un anticyclone, positionné cette fois-ci sur les îles Britanniques avait alors favorisé l’arrivée d’une masse d’air particulièrement froide en provenance de la Scandinavie et des pays baltes.

Ces deux cas mettent en évidence le rôle clé de la circulation atmosphérique dans la génération d’événements météorologiques chauds ou froids remarquables pour un mois donné de l’année.

La perception des changements de fréquence et d’intensité des vagues de chaleur et de froid peut être très différente d’une personne à l’autre, allant par exemple de « Rien de neuf, il a toujours fait chaud ou froid » à « Les vagues de chaleur sont de plus en plus nombreuses et fortes, c’est lié au réchauffement climatique ».

De quels éléments dispose-t-on aujourd’hui pour étayer l’une ou l’autre de ces opinions ?

Des vagues de chaleur plus intenses et fréquentes

Dans une étude parue en 2012, des chercheurs américains ont classé en trois tiers les températures observées en chaque lieu de la planète en moyenne saisonnière (été et hiver) sur la période 1951-1980. Dans le premier tiers, les températures les plus froides, dans le second, les températures proches de la moyenne, et les températures les plus chaudes dans le troisième. Cela signifie qu’en moyenne sur 1951-1980, 33 % des températures sont considérées comme « chaudes », 33 % comme « froides », les autres régions étant « proches des normales ».

Depuis le début du XXIe siècle, cette répartition à fortement évolué : en été de l’hémisphère nord, seules environ 10 et 15 % des températures sont respectivement « froides » et « proches des normales » en conservant la référence de 1951-1980. En revanche, 75 % des régions de l’hémisphère nord connaissent désormais des températures « chaudes » en été ! Depuis 2001, en moyenne de l’ordre de 10 % des régions sont frappées par des conditions « extrêmement chaudes », du type des événements caniculaires de 2003 en Europe de l’Ouest, de 2010 en Russie de l’Ouest, de 2011 au Texas ou de 2012-2013 en Australie.

Même s’ils ont été obtenus en moyenne sur des saisons et non pas sur la base de températures journalières, ces résultats suggèrent une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, ce qui est d’ailleurs attendu, dans la mesure où la température moyenne mondiale s’est réchauffée d’environ 0,8 °C depuis le milieu du XXe siècle.

 

Carte des anomalies de températures de surface durant la semaine du 20 au 27 juillet 2010, mettant en évidence la canicule russe. Cet épisode a provoqué une hausse de 50 % de la mortalité à Moscou pour ce mois de juillet (par rapport à la même période en 2009). Associé à la pire sécheresse qu’ait connu le pays depuis 40 ans, il a également entraîné une forte chute de la production agricole et de nombreux incendies de forêt. NASA/Wikipédia

Quelle est l’influence de l’homme ?

La question qui vient naturellement lorsqu’une évolution des vagues de chaleur a été détectée est celle d’un lien éventuel avec les émissions humaines de gaz à effet de serre, d’aérosols (ces particules ou gouttelettes en suspension dans l’atmosphère et dont l’effet total est de contribuer à légèrement refroidir le climat, contrairement aux gaz à effet de serre qui tendent à le réchauffer) ou avec d’autres facteurs naturels influençant les évolutions climatiques (évolution du rayonnement solaire, éruptions volcaniques).

Encore faut-il pour cela connaître comment le climat de la planète réagit à chacun des facteurs pris isolément, sans recours possible à l’observation, car le climat est soumis aux actions combinées et indissociables de ces facteurs.

Parmi d’autres méthodes, l’utilisation des modèles de climat permet de multiplier les expériences. Par exemple, prise en compte ou non des changements de composition de l’atmosphère dus aux activités humaines, ou combinaison de tous les facteurs observés ou estimés agissant sur le climat. Un modèle de climat global est une représentation numérique du système climatique de la planète s’appuyant sur les lois de la physique et couplant notamment l’océan, l’atmosphère, les glaces, les surfaces continentales et le cycle du carbone.

Il a été montré que les situations atmosphériques propices aux canicules sont généralement bien représentées par ces modèles, que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe, ce qui donne du crédit à ce type de méthode. La compilation de nombreux travaux scientifiques utilisant des modèles et des observations a ainsi permis au Giec de conclure dans son rapport de 2013 :

« Il est désormais très probable que l’influence humaine a contribué à des changements observés à l’échelle du globe relatifs à la fréquence et l’intensité des extrêmes journaliers de température depuis le milieu du XXe siècle. »

Activités humaines et grandes canicules récentes

Parmi les vagues de chaleur qui ont frappé l’Europe depuis, celle d’août 2003 a été probablement la plus intense depuis au moins l’année 1500. En particulier, la journée du 5 août a été la plus chaude jamais observée par Météo France (29,4 °C, avec en moyenne sur le pays des minimales et maximales de 21 °C et 37,7 °C respectivement).

Une équipe de recherche anglaise a montré que même si un tel événement aurait probablement pu exister sans réchauffement climatique, les émissions humaines de gaz à effet de serre ont au moins multiplié par deux les chances qu’il se produise. La figure présentée ci-dessous montre à ce propos d’autres résultats relatifs à des canicules récentes.

Dix ans plus tard, des travaux menés par la même équipe indiquent que, compte tenu du réchauffement intervenu depuis dans la région, l’événement de 2003 a non plus une chance de se produire par millénaire environ, mais plutôt une fois par siècle.

Cette figure montre l’augmentation de la probabilité d’occurrence attribuée à l’influence humaine pour quelques événements caniculaires remarquables. Par exemple, la canicule ayant frappé le Texas en 2011 avait 10 fois plus de chances de se produire que si l’action de l’homme n’avait pas conduit à une augmentation des gaz à effet de serre atmosphériques. Figure établie à partir d’une revue de Rupp et al. (2015) et des résultats de Stott et al. (2004).CC BY-NC-ND

Ce à quoi il faut désormais s’attendre

Dans le meilleur des cas, les émissions humaines de gaz à effet de serre seront conformes aux engagements des pays ayant ratifié l’Accord de Paris lors de la COP21 fin 2015.

Cela signifie concrètement que les émissions de gaz à effet de serre continueront à augmenter au moins jusqu’en 2030, mais probablement moins rapidement que si les négociations climatiques avaient échoué. Au-delà, le respect de la cible de réchauffement maximal de 1,5 °C par rapport à la fin du XIXe siècle impliquera probablement des émissions négatives de CO2, c’est-à-dire une captation du CO2 atmosphérique et son stockage à partir du milieu du siècle. D’autres scénarios avec émissions plus intenses de gaz à effet de serre ne sont malheureusement pas à exclure.

Quel que soit le scénario suivi, le réchauffement planétaire se poursuivra probablement pendant au moins plusieurs décennies et s’accompagnera de vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et intenses. Cela signifie que de nombreux records de chaleur tomberont de nouveau. Toutefois, des records de froids seront probablement également battus, mais beaucoup moins souvent, les vagues de froid devenant à la fois de moins en moins fréquentes et généralement moins intenses.

La canicule de juin 2017 et celle de fin août 2016 s’inscrivent pleinement dans ce qui peut être logiquement attendu pour le futur : une saison de canicule commençant de plus en plus tôt et finissant de plus en plus tard, avec des événements souvent plus intenses qu’aujourd’hui. Et sans contrôle des émissions de gaz à effet de serre, l’été caniculaire de 2003 deviendra la norme à la fin du siècle.

 

Climatologue, chercheur au Centre national de recherches météorologiques, Météo France

David Salas y Mélia a reçu des financements dans le cadre de programmes de l’ANR, de l’Institut national des sciences de l’univers et de l’Union européenne.

 

Sourcehttps://theconversation.com/

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